La CHLOROQUINE : de quoi s’agit – il ? Un danger pour le coeur ?

La CHLOROQUINE est devenue très célèbre suite à la pandémie de COVID-19. Souvent, on évoque ses effets secondaires cardiaques. Est-ce réellement un médicament dangereux ?

La CHLOROQUINE c’est quoi ?

La CHLOROQUINE est un médicament appartenant à la famille pharmacologique des amino-4-quinoléines. Elle est également produite sous une forme dérivée : l’Hydroxy Chloroquine = HCQ (commercialisé en France sous le nom de Plaquenil).

Son utilisation principale concerne le traitement du paludisme. Aussi, elle sert de traitement pour certaines maladies inflammatoires auto-immunes (LupusPolyarthrite Rhumatoïde).

La chloroquine est un substitut synthétique de la quinine qui est une substance alcaloïde d’origine végétale fabriquée à partir d’extraits de quinquina.

Le quinquina est arbuste du genre cinchona poussant en haute altitude (Cordillère des Andes). On le connait de longue date. En effet, ses vertus thérapeutiques (antipyrétiques surtout) sont décrites par  des indigènes depuis le 17èmesiècle au moins.

Chloroquine

La quinine, molécule extraite à partir de cette plante, sert de base à la synthèse de plusieurs médicaments. Citons dont par exemple :

-la chloroquine (antipaludéen)

-la méfloquine (antipaludéen)

-l’hydroxychloroquine (antiinflammatoire)

-la quinidine (antiarythmique)

-etc…

Quel est son mécanisme d’action ?

La quinine (et dérivés) est un médicament dont les cibles pharmacologiques sont diverses et dont le mécanisme d’action n’est pas totalement élucidé. On observe, à un degré variable, plusieurs effets qui sont communs à l’ensemble de ces molécules.

Plus particulièrement marqué avec l’hydroxychloroquine (HCQ), le groupe hydroxyéthyl présent sur la chaine la 4 amino-quinoléine serait à l’origine de cette action.

Son mécanisme n’est pas totalement clair. Néanmoins, il semble lié à une perturbation de la dégradation de l’hémoglobine dont la conséquence est l’accumulation de certaines substances qui pourraient freiner la capacité de reproduction du parasite.

Ainsi, cet effet parasiticide intracellulaire explique l’utilisation très répandue de la quinine, de la chloroquine et de certains autres dérivés pour le traitement du paludisme. De plus, cette toxicité intracellulaire conduit à une extension de son utilisation pour certaines affections bactériennes intracellulaires comme la fièvre Q et la maladie de Whipple par exemple. Enfin, un possible effet antiviral fait actuellement l’objet de nombreuses études, notamment dans le traitement du COVID-19.

Il est bien connu et prouvé que chloroquine ainsi que ses dérivés présente une interaction avec les canaux électriques du cœur.

Ces canaux permettent la régulation de flux ioniques au travers des cellules électriques du coeur. Ils sont à l’origine de la genèse et de la propagation des impulsions électrochimiques qui permettent au coeur de s’activer de façon régulière. On en distingue plusieurs sortes (liste non exhaustive) :

  • les canaux sodiques (ions sodium)
  • potassiques (ions potassium)
  • calciques (ions calcium)

La chloroquine, en provoquant un blocage de certains de ces canaux, est susceptible de provoquer des modification du rythme cardiaque. On ainsi observe 2 types de blocage avec la chloroquine :

  • D’une part le blocage des canaux potassiques. Il s’agit de l’effet le plus décrit de ces traitements. Il entraine un allongement de la relaxation électrique du coeur appelée repolarisation. Cet effet s’observe sur l’électrocardiogramme, sur lequel on peut constater un allongement de “l’intervalle QT”.
  • D’autre part le blocage des canaux sodiques. En limitant l’excitabilité des cellules électriques du coeur, il est à l’origine d’un effet qualifié de “stabilisateur de membrane”. Considéré comme protecteur (effet “antiarythmique”) chez certains patients, il peut dans d’autres cas induire une toxicité parfois majeure.

Quels sont les risques de la CHLOROQUINE au niveau cardiaque ?

Forts de leur ancienneté, la quinine et ses dérivés ont fait l’objet de nombreuses études permettant une bonne connaissance de leur efficacité et de leurs effets secondaires.

Sur le plan cardiologique, ces effets sont de deux ordres.

Tout d’abord, le premier risque est le risque rythmique. En effet, comme exposé précédemment, le blocage des canaux ioniques par les dérivés de la quinine en est à l’origine. Ce risque est potentiellement grave et peut dans certains cas conduire au décès du patient. Ainsi, la toxicité de la chloroquine peut se traduire :

  • Par des troubles du rythme ventriculaire. Ils sont généralement le fait du blocage des canaux potassiques. Ils se traduisent dans un premier temps par un allongement de l’intervalle QT mesuré sur l’électrocardiogramme. Ensuite, dans les formes extrêmes surviennent des tachycardie ventriculaires. On les nomme “Torsades de Pointes”. Celles ci se traduisent par des palpitations voire des pertes de connaissance. De plus, leur risque est de dégénérer en tachycardies plus graves comme la fibrillation ventriculaire qui conduit à un arrêt cardiaque puis au décès du patient en l’absence de prise en charge rapide.
Chloroquine
  • Par des troubles de la conduction. Leur cause est le blocage des canaux sodiques. Bien que rares et moins connus que les effets sus-cités, ils sont d’une gravité particulière. On les rencontre surtout en cas de surdosage (intoxication médicamenteuse). Ils se traduisent par un ralentissement de la circulation de l’influx élecrique dans l’ensemble du muscle cardiaque. Celui-ci se manifeste par la présence de troubles de la conduction que l’on peut observer sur l’électrocardiogramme :
    • Elargissement des complexes QRS
    • Allongement de l’intervalle PR
    • Bradycardie
    • Bloc auriculoventriculaire
    • Dans les cas extrêmes : asystolie (absence totale d’activité électrique) conduisant à un arrêt cardiorespiratoire.
Chloroquine

Il existe d’autres complications cardiovasculaires liées au traitement par la chloroquine. Celles ci sont néanmoins plus rares bien que potentiellement graves. Citons par exemple :

  • Risque de chute tensionnelle, en cas d’intoxication surtout
  • Risque de cardiopathie restrictive. Elle consiste en une hypertrophie (épaississement) sévère du muscle cardiaque qui en limite le fonctionnement. Au maximum, cela peut aboutir à une défaillance de la pompe cardiaque avec développement progressif d’un tableau d’insuffisance cardiaque. Ce risque est cumulatif (dose et durée dépendant) et ne se rencontre a priori que chez certains patients traités au long cours (plusieurs années).

Ainsi, bien que d’une gravité particulière, la toxicité cardiaque de la chloroquine n’apparait pas  comme fréquente dans les différentes études de pharmacovigilance. De plus, les accidents surviennent souvent dans des conditions particulières qu’il conviendra d’anticiper :

  • patient atteint d’une maladie cardiaque à risque
  • interaction avec certains médicaments, notamment les médicaments qui allongent le segment QT (www.crediblemeds.org)

En pratique : quelles précautions en cas de mise sous CHOLOROQUINE ?

La chloroquine ainsi que ses dérivés est donc un médicament dont la toxicité cardiaque est avérée, bien que peu fréquemment rapportée. Néanmoins, la rareté événements déclarés est à pondérer par le fait que ces études sont souvent effectuées chez des sujets relativement jeunes (population de patients atteints de lupus généralement). En effet, peu de données sont disponibles concernant les patients âgés, population plus à risque car souvent cardiopathe. De fait, une attention particulière doit leur être portée, ce d’autant que les complications surviennent souvent sur un terrain à risque.

Ainsi, les mesures préconisées sont les suivantes :

  • Dépistage des patients à risque : rechercher une maladie cardiaque sous jacente+++
    • Antécédents personnels ou familiaux de maladie cardiaque (syndrome du QT long congénital, morts subites inexpliquées dans la famille)
    • Signes fonctionnels pouvant suggérer une maladie cardiaque (dyspnée récente, douleur thoracique, palpitations, malaises, pertes de connaissance)
    • Electrocardiogramme : systématique idéalement

Chez un patient jugé à risque, il est préférable de rechercher une alternative au traitement par CHLOROQUINE. Sinon, une surveillance cardiologique rapprochée est nécessaire, clinique et électrocardiographique.

  • Eviter l’association avec des médicaments cardiotoxiques : notamment les médicaments susceptibles d’allonger l’intervalle QT et d’exposer les patients à un risque de torsade de pointe (liste disponible sur www.crediblemeds.org)
  • Prévenir les troubles hydroélectrolytiques : les déficits en potassium (hypokaliémie) et en magnésium (hypomagnésémie) peuvent majorer la toxicité cardiaque de la chroroquine. Ils doivent être dépistés chez les patients à risque (par une simple prise de sang : ionogramme sanguin) et corrigés le cas échéant.
  • Enfin, au moindre doute, il faut se référer à l’avis d’un cardiologue ou d’un rythmologue.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *