Les tachycardies supra-ventriculaires
Une tachycardie supra‑ventriculaire est une arythmie dont le mécanisme implique au moins une oreillette et/ ou le noeud atrio ‑ ventriculaire.
Le terme de tachycardie est un terme générique. Il signifie que le cœur bat trop vite. C’est l’inverse de la bradycardie où il bat alors trop lentement. Mais trop vite par rapport à quoi ? Le cœur bat physiologiquement à une fréquence qui est variable et appropriée aux besoins de l’organisme. Cette fréquence peut descendre à 45-50/min au repos, voire moins chez les patients très sportifs ou sous traitement ralentisseur, et monter jusqu’à 150/min voire jusqu’à 200/min chez les sujets jeunes, souvent à l’occasion d’un effort très intense. Tout cela est parfaitement normal. Le rythme cardiaque « normal » est déterminé par une zone du cœur, un petit paquet de cellules situé dans l’oreillette droite, appelé « nœud sinusal ». Ce nœud sinusal reçoit des messages de tout l’organisme afin de lui permettre de dicter au cœur la fréquence cardiaque idéale, celle qui lui permet de fournir un débit approprié pour une irrigation optimale des organes selon leurs besoins. Le nœud sinusal délivre des impulsions « électrochimiques » à une fréquence variable et adaptée aux besoins de l’organisme. Il se comporte un peu comme un chef d’orchestre. Le message électrochimique délivré à chaque impulsion du nœud sinusal se propage dans tout le muscle cardiaque en empruntant des voies que l’on pourrait assimiler à des circuits électriques. Ce message y circule très rapidement de manière à activer toutes les cellules cardiaques en même temps. Cela permet à toutes les cellules cardiaques de se contracter de façon synchrone, d’abord dans les oreillettes, puis dans les ventricules. Il existe en effet un « filtre » entre les oreillettes et les ventricules, que l’on appelle « nœud auriculoventriculaire = NAV » qui induit un déphasage entre la contraction des oreillettes et celle des ventricules. Ce déphasage permet aux oreillettes de se contracter dans un premier temps et de remplir les ventricules qui eux se contracteront dans un second temps une fois remplis.
Il est d’usage de classifier les tachycardies en 2 groupes selon leur origine anatomique
• Les tachycardies dites « ventriculaires » qui, comme leur nom l’indique sont des tachycardies qui naissent des ventricules.
• Les tachycardies dites « supraventriculaires » proviennent elles d’au dessus des ventricules, à savoir:
• Soit des oreillettes (exemple : tachycardie atriale, fibrillation atriale, flutter atrial) • Soit de la jonction entre les oreillettes et les ventricules : on parle alors de tachycardie jonctionnelle : Réentrée intranodale (RIN ou maladie de Bouveret) ou Réentrée sur faisceau accessoire (on parle parfois de syndrome de Wolff Parkinson White) Au delà de cette classification anatomique, on différencie les tachycardies en fonction de leur mécanisme qui sont au nombre de 2 :
• Les tachycardies dites « automatiques » : le mécanisme est alors un ou plusieurs foyers de cellules qui décharge des impulsions électriques régulières et rapides de façon inappropriée.
Exemple :
• Tachycardie atriale focale
• Fibrillation atriale
• Les tachycardies dites « réentrantes » : il s’agit dans ce cas d’une activation électrique « en boucle » souvent causée par la présence d’une zone de cellules dans le cœur qui court-circuite le cheminement électrique normal.
Exemples :
• Flutter atrial : le court circuit est, lorsque l’on parle de flutter « commun » (le plus fréquent), l’isthme cavotricuspide, une zone anatomique située entre l’oreillette droite et le ventricule droit. Il peut être une autre zone en cas de flutter dit « atypique ».
• Réentrée intranodale (RIN) : le court circuit est alors la voie lente, un faisceau de cellules situé dans le NAV. On parle parfois de maladie de Bouveret.
• Réentrée sur faisceau accessoire : le court circuit est alors un faisceau accessoire, souvent appelé faisceau de Kent, qui est une connexion surnuméraire, autre que le NAV, entre les oreillettes et les ventricules. On parle parfois de Syndrome de Wolff Parkinson White
La plupart du temps, aucune cause n’est retrouvée chez les patients qui présentent des TSV. On parle alors de TSV sur cœur sain, ce qui est le plus fréquemment le cas. Il est cependant d’usage d’effectuer un bilan cardiologique de base (échographie cardiaque au minimum) car on peut dans de rares cas, retrouver une maladie cardiaque associée qu’il faut rechercher de façon systématique.
Il est exceptionnel que les TSV menacent pas la vie des patients. Les principales complications auxquelles sont exposés les patients présentant une TSV sont :
• L’inconfort lié aux palpitations
• La survenue de malaises voire de pertes de connaissance à la durant où à l’arrêt de la crise
• L’apparition d’un essoufflement ou dyspnée secondaire à une insuffisance cardiaque, si la crise est rapide et durable
• L’apparition d’un caillot dans le cœur qui peut être éjecté dans la circulation sanguine et créer une embolie (cérébrale => AVC ou autre). Cette complication n’est rencontrée que dans des cas particuliers, seulement en cas de fibrillation atriale, flutter atrial ou tachycardie atriale, et chez des patients à risque.
Le seul moyen d’être certain du diagnostic de TSV est d’obtenir un électrocardiogramme (ECG) au moment de la crise. Le problème est que la plupart du temps, les patients qui consultent chez le cardiologue ne sont pas en crise et l’électrocardiogramme est le plus souvent normal, sauf rares cas où il peut fournir des éléments d’orientation. On peut donc faire usage à différents outils diagnostics parmi lesquels :
• Holter ECG: Il s’agit d’un petit appareil portable qui enregistre automatiquement l’activité de votre cœur pendant 24 ou 48 heures, ce qui permet à votre médecin d’examiner de plus près votre rythme cardiaque
• Enregistreur d’événements : Lorsque vous ressentez des symptômes, vous appuyez sur un bouton et un bref enregistrement de bande ECG est effectué. L’enregistreur, qui peut être utilisé pendant plusieurs semaines, permet à votre médecin de voir votre rythme cardiaque au moment de vos symptômes
• ECG d’effort: Ce test utilise l’ECG pour enregistrer l’activité électrique de votre cœur pendant que vous marchez sur un tapis roulant ou pédalez sur un vélo d’appartement. Il peut aider à déterminer si l’exercice déclenche vos palpitations
• Holter Implantable : quand les crises sont très espacées, et que l’on arrive pas à obtenir un tracé avec les examens ci dessus, on peut proposer l’implantation d’un Holter sous cutané qui est une sorte de puce électronique que l’on implante sous la peau au niveau du thorax en regard du coeur, au bloc opératoire (intervention effectuée en ambulatoire sous anesthésie locale et qui dure une dizaine de minutes). Cette puce permet d’enregistrer l’activité cardiaque pendant environ 3 ans et est aisément contrôlée en consultation avec des machines spécifiques que possèdent les rythmologues. A noter que cette puce peut très facilement s’enlever (toujours au bloc opératoire) et à tout moment
• Exploration Electrophysiologique Endocavitaire (EEP) : il s’agit d’une intervention effectuée au bloc opératoire en hospitalisation ambulatoire le plus souvent, sous anesthésie locale, qui consiste à monter des sondes d’enregistrement directement dans le cœur pour permettre d’effectuer des tests plus précis et de tenter de déclencher les crises en stimulant le cœur et en enregistrant l’activité électrique interne du cœur. Cet examen n’est pas douloureux. Il permet dans certains cas, en fonction du diagnostic retenu, de traiter dans la foulée la tachycardie en effectuant des brulures (= ablation) par le chaud (ablation par radiofréquence) ou par le froid (cryoablation).
2 stratégies peuvent être envisagées pour la prise en charge des TSV, ces stratégies seront discutées avec votre cardiologue en fonction du type de TSV, de vos symptômes, de la fréquence de vos crises.
– Stratégie « palliative » : Cette stratégie consiste à laisser en place le foyer ou le circuit arythmogène. Plusieurs options peuvent alors être proposées au patient :
• L’abstention et éducation thérapeutique : cette stratégie n’empêche pas la crise de survenir, aucun traitement n’est proposé au long cours. On peut dans certains cas apprendre au patient certaines manœuvres susceptibles d’arrêter les crises (mais pas de les empêcher d’arriver) comme par exemple dans la maladie de Bouveret (on leur apprend dans ce cas là la manœuvre de Valsalva), ou bien leur prescrire un traitement susceptible d’arrêter la crise, ce traitement n’étant pris qu’en cas de crise et mettant un certain temps à agir (généralement près de 1 heure).
• Le traitement médicamenteux préventif : cette stratégie consiste à empêcher la survenue d’une nouvelle crise en administrant au long coursun traitement antiarythmique dont la finalité est « d’endormir » le foyer de cellules cardiaques pathologique, sans le détruire. Cette stratégie peut être efficace chez certains patients. Son inconvénient est qu’elle nécessite un traitement au long cours et qu’elle fait donc courir le risque de subir les effets secondaires de ces traitements (fatigue et bradycardie, souvent chez les sujets jeunes). Elle n’est de plus pas efficace dans 100% du temps.
– Stratégie curative : Cette stratégie vise à guérir la tachycardie de manière définitive en se « débarrassant » du foyer ou du court circuit pathologique. Cela se fait au travers d’une procédure appelée « ablation ».
Le terme d’ablation est en fait inexact car rien n’est enlevé à proprement parler. Le terme ablation signifie plutôt « brûler » les zones du cœur pathologiques responsables de la tachycardie. Il s’agit de micro brûlures ou cautérisations qui peuvent être faites par le chaud (ablation par radiofréquence) ou par le froid (cryoablation). Cette intervention s’effectue le plus souvent à l’occasion d’une courte hospitalisation ambulatoire : le patient rentre le matin à l’hôpital et en ressort l’après midi. Elle nécessite une anesthésie locale la plupart du temps, générale plus rarement. Une simple ponction veineuse (artérielle plus rarement) au pli de la cuisse permet le positionnement de petites sondes jusqu’au cœur sous guidage radiographique. Ces sondes, une fois dans le cœur, permettent l’enregistrement et le traitement par cautérisation des circuits électriques authentifiés comme responsables des tachycardies. Cette intervention permet le plus souvent une guérison définitive de la tachycardie avec un taux de succès très élevé (supérieur à 90-95% pour les flutters communs, les maladies de Bouveret et les faisceaux accessoires, Sd de Wolff Parkinson White, un peu moindre pour les autres types de tachycardies) et surtout possibilité d’interrompre tous les médicaments par la suite. Très rarement, en cas de récidive, il peut être nécessaire de recourir à une seconde procédure complémentaire. Son inconvénient est le risque de complication qui est néanmoins très faible et dépend du type de tachycardie. On citera pour exemple :
• Hématome au point de ponction (complication de très loin la plus fréquente, qui se rencontre dans environ 2% des cas)
• Récidive de tachycardie avec nécessité de recourir à une seconde procédure
• Risque de lésion sur la voie électrique principale (= risque de BAV complet) impliquant la mise en place d’un stimulateur cardiaque (= pacemaker) : très rare, environ 0.5 cas/100, et qui n’est présent que dans certains cas très précis, ceux où la brûlure effectuée est située à proximité du circuit électrique principal du cœur (faisceau de His). Ce risque est rencontré en cas de maladie de Bouveret (réentrée intranodale) et surtout en cas de faisceau accessoire dit « parahissien ». C’est dans ces cas que l’on peut proposer au patient un traitement par le froid (cryoablation), un peu moins efficace mais moins risqué.
• Risque d’épanchement péricardique, rarissime (1/1000). Un épanchement péricardique traduit la présence de liquide (sang le plus souvent) autour du cœur, pouvant gêner la relaxation du cœur et nécessiter une évacuation (=drainage).
• Risques liés à l’anesthésie.
Les tachycardies supra-ventriculaires est un sujet qui vous préoccupe personnellement ?