Une naissance n’est jamais totalement le fruit du hasard.
Quand mes collègues m’ont demandé de dresser l’historique de cette équipe de rythmologues, j’en ai été très honoré, et cela correspond d’ailleurs bien à l’état d’esprit de ces jeunes “électriciens du cœur”. Ils m’ont toujours montré respect, écoute, sympathie et parfois même indulgence… pour mes idées parfois un peu “à l’ancienne”… notamment dans mes dernières années d’activité…
Comme je le leur ai souvent dit, tout a été question de rencontres, de circonstances, d’improbabilités, dans lesquelles je ne peux que remercier ce que d’aucuns appelleront le sort, d’autres comme moi la Providence …(Je ne peux passer cette interprétation sous silence, ma vie durant ayant été bercée par l’importance du sentiment de reconnaissance).
Remontant le temps, j’ai du mal à comparer mes débuts balbutiants en rythmologie (technique elle-même naissante et passionnante), à l’Hôpital Bichat à la fin des années 70-début 80, à l’ampleur prise par ce groupe de rythmologues, dont j’ai été modestement à l’origine.
J’ai effectivement du mal à croire que ces jeunes associés ont parachevé ce rêve d’une aussi belle façon, et fait de ce groupe de rythmologues, l’un des plus importants de France.
Un patron parisien des plus prestigieux, le Professeur Paul-Etienne Valère, un des plus innovants en la matière, venait de comprendre et d’envisager les premiers troubles du rythme et leurs approches thérapeutiques, dans cette fin des années 70, (parallèlement à l’équipe également prestigieuse de l’Hôpital Lariboisière).
C’était une époque bénie où tout semblait possible, et ce Maître, devenu depuis un ami, décida de me prendre sous son aile en constatant ma passion dans le domaine, et aussi bien que l’aurait fait un père…
M’accordant une confiance illimitée, il me donna même rapidement les clefs de ce département de rythmologie naissant, ses fonctions hospitalières ne lui permettant plus d’être au plus près de cette activité…
Ce que les jeunes n’ont pas connu, c’était la lourdeur des explorations de l’époque, avec des enregistreurs énormes, et des cathéters d’exploration dignes des tortionnaires du moyen âge, si on les comparait aux matériels actuels.
Ne parlons pas des stimulateurs cardiaques de l’époque, encore extrêmement volumineux, et avec un fonctionnement si basique ! Ils font oublier aujourd’hui le bouleversement qu’ils ont apporté dans le traitement de morts subites si illégitimes…
Alors comment ne pas être passionné par ce qui devenait une spécialité à part entière, une base de traitement indispensable à tant de malades cardiaques jusqu’ici laissés sur le bord de la route ?
Peu à peu, les affres des difficultés économiques du milieu des années 80, ont été à l’origine d’un système de soins appelé « budget global ». Ce système injuste ne permettait plus aux hôpitaux de traiter les derniers patients de l’année, sauf à empiéter sur le budget d’autres spécialités.
Cette aberration fut, conséquence heureuse pour moi et notre groupe de rythmologues, à l’origine de la création du centre de rythmologie des Peupliers en 1984 (Hôpital totalement dépendant à cette époque de la Croix Rouge Française). Il devint au bout de quelques années et à plusieurs reprises (selon les statistiques annuelles) le premier centre Français d’implantation de stimulateurs cardiaques.
Au vu de la demande, du stress et des exigences horaires avec les lourdes astreintes, je fus bien entendu dans l’obligation de m’associer. Et c’est encore là l’occasion d’une nouvelle rencontre, en la personne du Docteur Jean Marc Darondel, jeune chef de Clinique de l’HEGP, qui devait devenir bien plus qu’un bras droit : un ami, un collaborateur hors pair, et un indispensable soutien.
C’est avec lui, grâce à son dévouement, son altruisme, son honnêteté, son professionnalisme que je posais la première pierre de cette équipe de rythmologues (rythmopôle). Il en est en grande partie également à son origine.
Il facilita l’accès à de nouvelles techniques, s’ouvrit un peu plus aux ablations, alors que parallèlement, main dans la main, nous progressions dans les techniques bouleversantes de resynchronisation cardiaque, innovation des années 90…
Étape décisive en 2011, où l’ARS (Agence Régionale de Santé) nous accorde enfin le précieux sésame : autorisation d’ouverture d’un centre à la taille de nos espérances, au sein de l’Institut Mutualiste Montsouris, avec qui nous entretenions déjà d’importantes et fidèles relations professionnelles.
Notre envie incessante de progresser et d’innover, nos liens permanents avec des grands services hospitaliers publiques, la centralité du patient dans toute notre prise en charge, nous ont ainsi permis de garder une place de leader en la matière et ceci s’est renforcé encore par la présence des jeunes associés qui nous on peu à peu rejoint…
Tout d’abord le Docteur Pierre Jorrot, un des moins conventionnels et des plus innovants rythmologues que je connaisse. Il marie l’exigence de qualité à la rigueur. C’est celui qui montra, à mon sens, une maturité d’esprit incroyable dès ses débuts et qui m’impressionna car il comprit ce que je voulais également imprimer et renforcer dans ce groupe de rythmologues : l’absence de compromission dans tous les domaines, dans la recherche diagnostique et l’approche de la technique la plus adaptée.
Son caractère parfois faussement rigide est sous-tendu par un humour british qui ravissait toutes nos réunions…
Le Docteur Edouard Siméon, 4èmede cordée, nous apporta ses compétences également incroyables. Malgré un visage qui frisait l’adolescence il me ravit aussi par sa vivacité d’esprit et ses capacités d’adaptation à toute situation médicale ou extra professionnelle. Il est la définition même de la notion de consensus, qui me poussa par la suite à lui proposer des responsabilités dans les domaines où on avait le plus besoin de ce type de compétence.
Un presque homonyme, fils d’un autre éminent rythmologue de l’est parisien, le Docteur Frédéric Sebag, fut le 5èmemembre de ce groupe de rythmologues (rythmopôle). Professeur Nimbus à ses heures, technicien de génie, avec une aisance et également une maturité dans la prise en charge des cas les plus complexes. Il est venu renforcer tout naturellement cette association, comme s’il lui avait manqué depuis ses débuts…
Le Docteur Nicolas Mignot, personnalité discrète, “gentillesse faite Homme”, m’a également ravi par ses qualités humaines, son investissement, sa régularité et sa maturité. Comment se passer de lui désormais alors qu’il nous apaise tant par son calme et sa disponibilité sur tout sujet.
Le 7èmedu groupe de rythmologues, le Docteur Olivier Villejoubert, m’a également impressionné par sa technicité et son esprit d’innovation . Il m’a simplement croisé à une époque, proche de la retraite, où mes fonctions résidaient principalement dans la promotion et l’amélioration des relations de l’équipe de rythmologues avec les chefs d’établissement. Époque où les contraintes économiques ou statutaires venaient alourdir le métier de médecin, pour lequel on a tous rêvé de succéder aux plus célèbres médecins de l’histoire dans la perspective du bien et de l’humain.
J’ose l’espérer, la rencontre entre ma volonté et la leur de tout faire pour le bien du patient, comme je l’avais demandé dès le début lors de ma première entrevue avec l’Ami Jean Marc… Et également, j’en suis sûr, l’égalité parfaite entre tous les membres de ce groupe de rythmologues, jeune ou moins jeune aussi bien en terme de droit que de devoir.
Autre paramètre indispensable, l’aide de tous ces amis cardiologues, et je ne peux les nommer tous au risque d’en oublier… Ils m’ont, puis nous ont, fait confiance, et la proximité après tant d’années m’a permis de connaître souvent même les membres de leur famille.
Maillon important de cette chaîne, les chefs de services de certains Hôpitaux parisiens, qui nous ont accordé toute leur confiance, pendant toutes ces années contre vents et marées…et qui maintiennent encore ce lien.
Enfin, je n’oublie bien entendu pas dans cette aventure la plus douée, la plus fidèle, la plus efficace et la plus gentille des secrétaires du monde, en la personne de “ma” Nathalie, sans qui les choses auraient été largement plus complexes…
Merci mes jeunes associés, merci de votre respect, de votre gentillesse, de votre caractère et de votre esprit d’innovation. Soyez les uns pour les autres ce que tout groupe humain doit rêver d’être, un mélange d’humanité et de conscience de nos devoirs et de nos responsabilités.
Mais n’oubliez pas de vivre, tout simplement, car si ce que vous faites au sein de ce groupe de rythmologues s’apparente à votre métier, vous avez aussi la chance de partager une aventure qui n’est pas prête de s’arrêter…
Et ayez toujours de grandes ambitions, elles seules ont le pouvoir de toucher les hommes au cœur…
Dr Joël Sebbah